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Marcnews

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Conseils, science, sante et bien-être


3 scènes dans les chambres mystérieuses du peintre Félix Vallotton

Publié par MaRichesse.Com sur 16 Janvier 2014, 09:06am

Un peu oubliée mais toujours énigmatique, l’œuvre du peintre Félix Vallotton est à découvrir au Grand Palais. Rue89 vous en dévoile trois scènes, commentées. 

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Au Grand Palais, une expo dévoile l’œuvre encore assez méconnue de Félix Vallotton. Ce peintre-graveur, issu de la petite bourgeoisie calviniste de Lausanne, aura pourtant laissé à sa mort en 1925 plus de 700 tableaux, 200 estampes et d’innombrables illustrations. Articles, journal, romans... il a aussi beaucoup écrit.

Electron libre, « à cheval sur deux siècles et deux pays » (Suisse et France), « il était connu de son vivant, exposait beaucoup au salon d’automne », raconte Isabelle Cahn, conservateur en chef au musée d’Orsay et co-commissaire de l’expo.

« Il a ensuite été un peu oublié, sans doute parce qu’il n’a jamais vraiment appartenu aux avant-gardes, en dehors d’un passage très court chez les Nabis. »

Rue89 vous propose trois portes d’entrée dans son œuvre, commentées par Isabelle Cahn. 

 

1. « Femme nue assise dans un fauteuil rouge » 

 Vallotton, « Nabi étranger » 

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« Femme nue assiste dans un fauteuil rouge » de Félix Vallotton, 1897, huile sur carton marouflé sur contreplaqué, 28 x 28 cm, Grenoble, musée de Grenoble (Rmn-Grand Palais/Jacques L’Hoir/Jean Popovitch)

La toile date de 1897. Valloton a 32 ans et appartient au groupe des Nabis, qui le surnomme « le Nabis étranger », allusion à sa nationalité suisse mais aussi à sa manière de se tenir toujours un peu à distance.

« A cette époque, il travaille de manière assez proche de Bonnard et Vuillard. Il expérimente en peinture ce qu’il a déjà pratiqué dans la gravure : la simplification du style. Ce tableau, on le voit, est tout en surface, avec des raccourcis physiques par rapport à l’espace, et une sorte de synthèse de son motif. Il manifeste aussi cet intérêt des Nabis pour les sujets d’intériorité, comme ici, cette femme assoupie d’une manière un peu irréaliste dans son fauteuil. Mais quelque part, Vallotton va beaucoup plus loin que ses amis Nabis dans la simplification.

Quand on s’approche des tableaux, on voit toujours des détails incongrus et plusieurs histoires au sein d’un même tableau, c’est ce qui donne aussi cette impression d’étrangeté. Ici, on est vraiment dans une vision très radicale de l’espace, qui est avant tout une couleur. Pas n’importe laquelle puisque le vert vient en complément du rouge, couleur incandescente et plutôt improbable pour les intérieurs de l’époque.

Ça laisse à penser qu’on n’est pas dans un véritable espace mais plutôt dans un angle qui donne la sensation d’être enfermé dans une boîte. La seule ouverture est la gravure accrochée derrière le modèle, qui est d’ailleurs une gravure de Vallotton. Avec cette femme absente, on est dans un espace onirique, et même un espace mental. »

2.« L’Assassinat » 
Vallotton, maître de la gravure sur bois et de la critique sociale
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« L’Assassinat » de Félix Vallotton, 1893, xylographie, 14,7 x 24,5 cm (planche), Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie (BNF, Dist. Rmn-Grand Palais/image BNF)

Vallotton a réalisé beaucoup d’estampes et d’illustrations pour des journaux illustrés populaires à l’époque, qui parlaient de politique mais aussi de faits divers.

« A cette époque, Vallotton a aussi besoin de gagner sa vie. Depuis quelques années, il s’adonne à l’estampe au point d’en délaisser sa peinture. Il fait aussi beaucoup de gravures politiques qui montrent la violence sociale, la répression de la police, les grandes mécaniques des foules, les manifestations. Il était proche à l’époque du groupe de La Revue blanche, très engagé politiquement en faveur du mouvement anarchiste. Mais Vallotton n’est pas un poseur de bombe, il est plutôt du côté d’une intelligentsia engagée politiquement dans la résistance à l’ordre social établi.

Dans cette estampe de 1893, on est dans une mise en image de fait divers universel comme il y en aura toujours, mais Vallotton nous fait un clin d’œil sur le traitement quotidien de cette violence, avec le pot de chambre. C’est une scène de la vie privée, mais il y a quelque chose de ridicule.

On imagine que c’est une femme assassinée. Vallotton a beaucoup traité le thème de l’adultère, et à partir de 1897, dans ses séries sur l’intimité, il se lâche complètement et se montre d’une grande férocité sur la critique des mœurs. Le traitement de la violence revient très souvent dans ses gravures, même s’il n’y a pas d’effusion, ni de sang qui coule. Ici, il suspend l’action à son moment paroxystique et tout ça est rendu par une simplicité de moyen absolument extraordinaire. On est dans la ligne, dans le trait. Rien n’est développé mais on sait tout de ce qu’il se passe. »

On perçoit dans l’exposition une filiation entre Vallotton et certains auteurs de bande dessinée, comme Tardi par exemple :

« Oui, avec la ligne claire et le trait qui délimite la forme. Cette expressivité avec un minimum de moyen et une surface plate. Avec Tardi, le rapprochement est d’autant plus exact qu’ils sont des sujets et des préoccupations en commun. Dans les illustrations de Tardi sur Céline ou dans ses bandes dessinées sur la guerre, on voit bien une sensibilité commune et peut-être même un engagement politique qui les réunit au-delà même du style. » 

3. « La Blanche et la Noire » 

Le mystère de la chambre verte

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« La Blanche et la Noire » de Félix Vallotton, 1913, huile sur toile, 114 x 147 cm, Winterthour, Fondation Hahnloser/Jäggli, Villa Flora (Fondation Hahnloser/Jaeggli, Winterthour)

« C’est un tableau de 1913 qui reste assez mystérieux. Il dégage une force inouïe et est d’ailleurs souvent reproduit. Beaucoup de gens le connaissent sans rien connaître de Vallotton.

Après 1907, Vallotton retrouve le volume dans ses motifs et s’oriente vers le nu. Il peint de grands tableaux comme ici, avec ce nu très ambigu. Ce sont deux femmes ensemble et il y a une référence à l’ “Olympia” de Manet. De fait, on pense aussitôt à un rapport social entre elles. La Noire est sans doute la servante, mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’elle est assise sur le lit, fume une cigarette avec une complète désinvolture et une dimension un peu dominatrice. Ce contraste est aussi rendu dans les couleurs. C’est froid, c’est direct, l’éclairage est sans concession.

On se sait pas précisément s’il a documenté ce tableau en se servant de photographies, qu’il utilisait très souvent. Mais le sujet du tableau reste vraiment unique au sein de l’histoire de l’art. On voit bien qu’une histoire est racontée mais en même temps, on n’a pas prise dessus. Ce tableau a beaucoup choqué à l’époque, comme beaucoup de ses nus. Ça choquait moins par les sujets que pour la sécheresse de trait et la violence. L’époque pouvait difficilement accepter un tel tableau, même si l’art moderne avait déjà détruit pas mal de conventions. »

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