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Marcnews

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Conseils, science, sante et bien-être


«Mon grand-père Benjamin est un héros»

Publié par MaRichesse.Com sur 24 Octobre 2016, 17:30pm

Catégories : #FAITSDIVERS, #SUISSE

HommageLe lundi du Jeûne, un chasseur de Bex est mort dans un éboulement. Sauveteur, baliseur des sentiers, garde-faune auxiliaire, son altruisme était immense.

Paulette, l’épouse de Benjamin Genet, a pris cette photo de lui quelques jours avant son décès.

Paulette, l’épouse de Benjamin Genet, a pris cette photo de lui quelques jours avant son décès.

Quelques lignes, un communiqué de police, dans les journaux et sur les sites d’information: «Un chasseur se tue dans les Alpes vaudoises, au-dessus de Bex.»

Quelques réactions immédiates sur ce qu’on appelle les réseaux sociaux: «Bien fait pour lui, dommage que le deuxième chasseur ne soit pas mort aussi.» La famille a apprécié. Le chasseur s’appelait Benjamin Genet, il avait 64 ans, et lundi dernier, le temple de Bex aurait dû être deux fois plus grand pour abriter les centaines de connaissances de tous âges venues saluer ce personnage de roman, unanimement apprécié pour sa générosité et son altruisme. Par une journée magnifique

Revenons au lundi du Jeûne. C’est Yves qui raconte. Le jeune chasseur était aux côtés de «Binbin» dans la montagne quand c’est arrivé. «Nous avions chassé le matin, avant de nous retrouver, avec un ami, au chalet de «Binbin», où nous avons fait le gueuleton traditionnel jusqu’en fin d’après-midi. «Binbin» n’était pas un chasseur pour le rendement, il aimait être dans la nature, voir des amis, des animaux, les arbres, les traces, vivre les saisons, se sentir libre dans les montagnes dont il connaissait chaque mètre carré, du massif des Muverans aux Dents-de-Morcles. Après le repas, «Binbin» m’a laissé abattre un arbre dans sa forêt, j’en avais besoin pour mes cours. Puis nous sommes repartis dans les hauteurs, juste comme ça, il faisait si beau – alors que le brouillard nous avait retenus le matin – qu’on ne pouvait pas s’arrêter. On a vu un chamois somptueux passer devant nous.» Ils ont traversé une pente sur un sentier qu’Yves connaît par cœur, parce qu’il le parcourt souvent – comme de nombreux randonneurs – pour aller faire de belles photographies. «Et tout à coup, le sentier d’ardoises est parti sous nos pieds.»

Benjamin est mort. Nous avons voulu savoir qui était cette célébrité régionale. On raconte bien la vie des stars de toute la planète quand elles ont un bobo sous le pied, alors regardons la vie d’un homme d’ici, passons derrière l’étiquette de «vilain chasseur», que collent à sa mémoire des intégristes et des intolérants, pour entrer dans le livre de Benjamin. Il est né en 1952, dans une famille de paysans, à Bex. Il a très tôt découvert ce qu’est le travail. Dans l’exploitation à la belle saison. Aux installations mécaniques de Villars l’hiver. Dès l’âge de vingt ans, il est engagé à l’arsenal de St-Maurice où il travaillait encore il y a deux ans. Il se marie à 21 ans avec Paulette, qui nous a reçus au lendemain des obsèques de son mari. «Vivre quarante-trois ans avec un tel homme, c’est quelque chose. Il ne savait pas dire non.» Mais dire non à quoi, en somme?

Jamais peur

En fait, il disait toujours oui. Oui à toute heure du jour et de la nuit à la colonne de secours, dont il faisait partie. Celui qui arrive dès qu’on l’appelle, et qui sauve des vies, c’est Benjamin, avec son chien. Oui au sauvetage aérien, avec la Rega. Le gars de la SSH (Spécialistes du sauvetage héliporté) qui est attaché au bout du câble sous l’hélicoptère et qui va porter secours, c’est Benjamin. Oui au jeune bûcheron coincé dans la nuit d’hiver avec sa jeep dans la boue: Benjamin se lève et va le remorquer. Oui aux voisins du chalet dont les génisses viennent de s’échapper et de se disperser dans la montagne: Benjamin arrive en urgence, retrouve les bêtes, les rassemble. Oui aux jeunes habitants de Lavey – où il a sa maison – qui rêvent de monter au sommet de la Dent-de-Morcles parce que le soleil levant l’éclaire chaque matin et qu’ils la voient de leur fenêtre. Benjamin les y a emmenés, encordés, avec son beau-fils Patrick, les 10 et 11 septembre.

Il y aurait mille exemples à donner. «Ce n’est pas un livre qu’on pourrait écrire sur notre père, c’est une encyclopédie», soulignent entre sourire et émotion ses filles, Catherine et Virginie, qui sont aussi au rendez-vous pour l’évoquer.

A ce propos, Catherine rappelle: «Pour l’école, son petit-fils Samuel, 13 ans, avait rédigé il y a deux ans un texte sur le thème Mon grand-père est un héros, et raconté comment, avec son chien d’avalanche, il avait retrouvé une personne vivante.» Paulette, l’épouse de Benjamin, écoute les témoignages. Acquiesce quand ses deux beaux-fils, Joël et Patrick, soulignent à quel point Benjamin vivait pour transmettre aux autres ce qu’il savait faire. «Nous avions commencé la formation de mon chien d’avalanche, je me réjouissais tellement de continuer», dit Joël. Patrick se souvient: «Au Club alpin, il a emmené beaucoup de jeunes qui ont attrapé en sa compagnie le virus de la montagne, et plusieurs sont devenus guides. Il expliquait tout sur la neige, les neiges, leurs qualités, leurs dangers, sur la peau de phoque, sur les pentes. Mais il fallait suivre: c’était mieux qu’un moteur diesel, il ne calait jamais et s’il s’arrêtait pour pique-niquer, c’était juste pour faire plaisir à ceux qui l’accompagnaient!»

Paulette affirme: «Il n’avait jamais peur! Et moi, si j’avais eu peur pour lui, je n’aurais jamais dormi!» Elle prend sur l’étagère, dans la salle à manger, une pierre grise sur laquelle sont peints deux traits blancs et un trait rouge. Et dessous, le mot merci est écrit, également à la peinture blanche. «Quelqu’un a déposé cette pierre à l’église, elle en dit long sur tout ce que mon mari a fait sur les sentiers de montagne.» Car Benjamin Genet était aussi baliseur, il a indiqué aux randonneurs et aux alpinistes des centaines de kilomètres d’itinéraires en altitude. L’ironie du sort veut que, justement, un de ces sentiers ait fléchi à son passage le 19 septembre. Le 17 juillet dernier, il était parti baliser avec les petits-enfants, les gendres, la famille, quoi. Sept heures de marche à peindre des cailloux. Au retour, le seau mal fermé, dans le coffre, s’est renversé. Les chiens étaient balisés aussi. Tout le monde en rit autour de la table.

Le feu au sommet

Le 1er Août, l’année prochaine, il est probable que des amis iront allumer des feux sur les sommets , comme il l’avait fait très souvent. «Il faudra qu’on arrive à faire les choses et à transmettre aussi bien que lui» dit Joël. Le feu, les hauteurs, cela rappelle à Patrick le jour où ils furent surpris, «Binbin» et lui, en haut de la Grande-Dent-de-Morcles, par un orage phénoménal. «L’électricité statique nous dressait les poils, c’était hallucinant. Benjamin ne bronchait pas.» Peur de rien. A l’aise partout dans «sa» nature. Il y était aussi un précieux surveillant auxiliaire de la faune. «Dévoué, disponible, il n’avait jamais assez d’heures dans ses journées pour aller au bout de sa passion», précise Jean-Claude Roch, garde-faune. «Et un ours qui savait gueuler, mais qui ne mordait jamais», sourient ses proches.

Paulette a cherché une photographie. On en retient une. Elle l’a faite tout récemment. Pour se reposer, Benjamin coupe du bois à son chalet. Il ne s’arrêtait jamais. «C’était vraiment un héros, notre papa», confirment Catherine et Virginie.

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