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Sur les réseaux sociaux, le triomphe de l’imparfait

Publié par MaRichesse.Com sur 14 Février 2017, 16:00pm

Catégories : #INTERNET, #PEOPLE

Sur les réseaux sociaux, le triomphe de l’imparfait

La tornade ronde et blonde Amy Schumer s’apprête à propulser Barbie, la poupée aux mensurations inhumaines souvent décriées, dans la modernité… Sony Pictures vient en effet d’annoncer que l’humoriste américaine incarnerait l’idole des fillettes sur grand écran, en 2018.

Le pitch? Chassée de Barbie Land, un univers en toc, la figurine s’incarne dans une femme normale et apprend à vivre dans le réel. Aux grincheux qui ont vite raillé le casting, l’actrice a répliqué par une vibrante adresse à tous les défectueux: «Je suis très honorée d’incarner Barbie, une icône importante et en pleine évolution. Quand je me regarde dans le miroir, je sais qui je suis: une super amie, une super sœur, une super fille et une super petite amie. A tous ceux dont on s’est moqué, je me bats pour vous, pour nous.»

Montrer la vraie vie

En choisissant celle qui passe sa vie à exhiber, bravache, bourrelets et maladresses, quand elle ne proclame pas qu’elle porte des tampons hygiéniques sur les tapis rouges, Hollywood a entendu la révolte qui gronde contre le culte du faux. Qu’il se nomme «Body positivity» (positivité corporelle), «Here I Am» (voilà comme je suis) ou «Beyond Beauty» (au-delà de la beauté), ce mouvement encourage à s’exhiber dans sa banalité.

Nous voyons cela comme une occasion de montrer enfin nos vies réelles: repas médiocres, enfants pleurnichards, visages chiffonnés.

Dès 2015, le magazine «Real Simple» lançait le compte Instagram «Women In Real Life» (les femmes dans la vraie vie), sur lequel chacune pouvait poster ses clichés de plats carbonisés, panier à linge sale enseveli sur les décombres vestimentaires, ou soirée pizza-programme-télé-minable. «C’est une tentative d’honnêteté dans un monde où le contenu des réseaux sociaux n’est qu’un flux continu d’images filtrées par des experts. Nous voyons cela comme une occasion de montrer enfin nos vies réelles: repas médiocres, enfants pleurnichards, visages chiffonnés», expliquait l’éditrice.

Fière de sa cellulite

Deux ans plus tard, même les «fitgrameuses», ces demoiselles qui font fortune en inondant Instagram de leurs séances d’abdos-fessiers, livrent leurs imperfections. Mi-janvier, Anna Victoria, 1,2 million d’abonnés et créatrice du «Fit Body Guide» (le guide du corps en forme), présentait donc deux clichés de son corps, l’un version sublimé grâce à une posture avantageuse, l’autre au naturel, c’est-à-dire assise avec des plis au niveau du bedon: «Notre cellulite et nos vergetures n’ont pas à nous rendre honteuses. Sous un angle normal, voilà comme je suis 99% du temps.» Réponse d’une fan: «Enfin la vraie toi!» Saggy Putho, une autre célébrité de la planète fitness, livre également les coulisses des corps simili parfaits avec ses photos «avant/après»… Tandis que le selfie «sans maquillage» devient un incontournable de l’autopromotion des stars, comme pour montrer qu’elles aussi sont faites (d’un peu) de peau d’orange et de cernes.

En termes d’image, se présenter comme une personne ordinaire permet une identification par sympathie, là où la beauté et la gloire isolent.

«Les seflies ont longtemps été un marqueur de prestige social, avec des clichés de plats, de vacances et de fêtes rêvés. La saturation de ces faux récits fait naître un désir d’authentique et de non trafiqué, note Patrick Amey, sociologue à l’UNIGE. En termes d’image, se présenter comme une personne ordinaire permet une identification par sympathie, là où la beauté et la gloire isolent.» Il ne fait d’ailleurs plus très bon plastronner sur le 2.0… sous peine de se retrouver caricaturé par l’un des nouveaux justiciers de la normalité, comme l’actrice australienne Celeste Barber, 1,5 million de fans, qui reproduit les selfies des narcissiques de la pop culture (Kim Kardashian, Miranda Kerr, Justin Bieber, etc.) pour mieux les humilier: «Certaines célébrités sur Instagram semblent penser que nous, les personnes dépourvues d’argent et de privilèges, sommes assez idiots pour croire que ce qu’ils postent représente la vérité. Je voulais démontrer à quel point il est ridicule, pour une personne lambda, de prendre ces clichés. Et l’on me remercie sans cesse de rappeler ce qu’est la réalité.»

 Losers magnifiques

Dans la même veine, la photographe thaïlandaise Chompoo Baritone offre sa vision élargie des photos idylliques, pour prouver que la trivialité se tapit dans tous les hors-champ. «L’individu s’est lassé d’être relégué dans l’ombre d’une perfection préfabriquée. Pour contrer notre modèle de réussite et de pensée positive unique, qui renvoie à l’idée que nous ne serons jamais à la hauteur, chacun décharge sa frustration et sa peur d’être ignoré dans une nouvelle contre-culture du moche, du nul, du raté», analyse le psychanalyste Michaël Stora, spécialiste des réseaux sociaux.

Les «losers» les plus magnifiques peuvent même devenir des nouvelles stars, telle la réalisatrice-comédienne Lena Dunham, toute en capiton sur la dernière couverture du Glamour américain, ou encore Claudia Oshry, alias «Girl with no job» (fille sans emploi), 2,5 millions d’abonnés Instagram. Après avoir été renvoyée de son premier stage au sortir de l’université, cette vingtenaire a décroché de lucratifs sponsors en se contentant de documenter ses journées, avachie sur un canapé défraîchi.

D’autres, comme l’artiste américaine Audrey Wollen, font du droit à la dépression un combat politique, en exhibant toute la palette de ses mines chafouines. L’envie de rendre visible l’invisible pousse aussi certaines à afficher les stigmates de leurs maux. «J’ai la maladie de Crohn», proclame Aimee Rouski, 19 ans, sur sa page Facebook. Une affection du tube digestif qui la contraint à porter une poche de colostomie qu’elle médiatise – tout comme la mannequin Bethany Townsend, – et dont l’un des selfies en bikini a été vu 9 millions de fois…

Oubliés de la normalité

«Instagram, plateforme de prestige par excellence, devient une nouvelle communauté de soutien. C’est l’effet Snapchat, cette appli qui permet de se montrer dans toute sa laideur. Deux mouvements s’affrontent actuellement sur les réseaux sociaux: dissimulation de soi et volonté de se montrer sous son vrai jour, constate Patrick Amey. Mais ne rêvons pas. Si l’antihéros a toujours séduit, je doute que la normalité triomphe vraiment du culte du moi qui nous gouverne…»

 D’ailleurs une grande partie de l’humanité reste encore oubliée du mouvement de positivité corporelle: les hommes, qui subissent toujours un raz de marée de selfies de corps musclés. Pour les libérer enfin, les studios Sony Pictures vont-ils recruter un humoriste petit, chauve et ventru dans le rôle de Ken?

Letemps

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