Le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe juge le moment venu pour la Turquie de lever l'état d'urgence, au moins dans ses aspects les plus attentatoires aux libertés démocratiques, dans un mémorandum publié vendredi à Strasbourg. Les mesures d'exception adoptées pour trois mois après la tentative de coup d'Etat manqué du 15 juillet n'ont, pour la plupart, plus de justifications, estime Nils Muizniecks. Le Conseil de la sécurité nationale turc propose au contraire leur reconduction. "Il est inconcevable que les menaces qui pesaient de manière évidente sur la démocratie turque, au moment de la tentative de coup d'Etat, n'aient pas diminué significativement deux mois et demi plus tard", estime le commissaire, une semaine après avoir effectué une visite à Ankara. "Il est urgent de revenir aux procédures et garanties démocratiques ordinaires en mettant fin à l'état d'urgence aussi vite que possible", ajoute-t-il. La reprise en main du pays après la tentative de coup d'Etat, imputée par le gouvernement turc au mouvement de l'opposant Fethullah Gülen, s'est traduite par la révocation de 100.000 fonctionnaires dans la police, l'armée, la justice et l'administration, par l'arrestation de 40.000 personnes et la fermeture de nombreux médias. Nils Muizniecks lance une mise en garde contre le caractère arbitraire de ces mesures, prises selon lui sans que les personnes ou entités concernées soient informées des charges pesant sur elles ni en mesure de se défendre. Le commissaire letton rappelle que si l'état d'urgence permet de déroger à certains principes de la Convention européenne des droits de l'homme, d'autres ne permettent aucune dérogation, dont la règle qui veut qu'aucune condamnation ne puisse être prononcée hors d'un cadre légal. COMPARAISON AVEC LA FRANCE Il invite Ankara à "cesser de prendre des mesures radicales" fondées sur des "critères stéréotypés et indifférenciés" contre des secteurs entiers de la société et à mettre fin immédiatement aux fermetures administratives imposées à des entités associatives ou privées, dont des médias. Il cite comme mesures incompatibles avec les principes d'une société démocratique le fait d'étendre à la famille d'un suspect les mesures prises à son encontre ou le remplacement administratif de certains maires démocratiquement élus. Alors que la Turquie cite souvent en exemple la France, où l'état d'urgence instauré après les attentats du 13 novembre 2015 a été prolongé plusieurs fois, Nils Muizniecks, qui en avait critiqué certains aspects, en souligne également toutes les différences. La loi française sur l'état d'urgence "ne donne aucun pouvoir au gouvernement français d'agir par décrets-lois" et sa mise en œuvre est soumise à un double contrôle du Parlement et du défenseur des droits de l'Homme. Le commissaire aux droits de l'Homme prend note de la responsabilité imputée au mouvement Gülen dans la tentative de coup d'Etat et de sa qualification comme mouvement terroriste. Mais il souligne qu'aucune accusation de violence n'avait été jusqu'ici portée contre lui par les tribunaux. "Le mouvement de Fethullah Gülen semble avoir développé depuis des décennies, en toute liberté, une présence étendue et respectable dans tous les secteurs de la société", dit-il. Il invite Ankara à faire la distinction entre des personnes coupables d'activités illégales et celles qui oeuvraient simplement dans une des entités liées à ce mouvement.
Le Conseil de l'Europe demande la fin de l'Etat d'urgence turc
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