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Pour la justice allemande, danser sur de la techno, c'est bien de la culture

Publié par MaRichesse.Com sur 14 Septembre 2016, 03:28am

Catégories : #ALLEMAGNE, #JUSTICE, #MUSIQUE

Pour la justice allemande, danser sur de la techno, c'est bien de la culture

Le tribunal devait décider si le célèbre club Berghain à Berlin était un lieu culturel ou de simple divertissement.

Voilà un verdict qui restera sans doute parmi les plus incongrus de l'histoire récente de la justice allemande. Le Berghain, mythique club berlinois qu'on ne présente plus, où la jeunesse du monde entier afflue en procession pour s'oublier dans l'obscurité et la techno, n'est désormais officiellement plus seulement un lieu de défonce, de drague sauvage et de danse frénétique, mais aussi et surtout un établissement culturel.

C'est le jugement qui vient d'être rendu par la Cour financière de Berlin-Brandebourg, rapporte l'hebdomadaire Der Spiegel dans son édition papier datée du 10 septembre 2016. En quoi un tribunal des finances peut-il bien avoir à se prononcer sur la nature de la fonction que remplit un club techno auprès de son public? Tout bonnement à cause d'une bête histoire de (gros) sous: jusqu'en 2008, le Berghain appliquait une TVA à taux réduit sur ses entrées, soit 7% au lieu des 19% imposés habituellement aux entreprises allemandes, avant que le fisc allemand, face au succès et aux recettes grandissantes du club, ne le somme de passer au taux réglementaire. Car en Allemagne, la TVA à 7% n'est réservée qu'aux événements culturels, c'est-à-dire «aux théâtres, aux concerts et aux musées», comme le précise la loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d'affaires.

Ce qui n'a pas empêché la direction du Berghain de porter plainte contre le fisc au motif que les DJ-sets équivalaient à des concerts. Pour étayer leur position, les deux propriétaires du club, connus pour ne jamais donner d'interviews, ont, à la grande surprise de ce dernier, contacté le journaliste Tobias Rapp, collaborateur du Spiegel mais surtout expert du Berghain, dont il a fixé la légende dans Lost and Sound, bible des raveurs berlinois. Il se trouve qu'un passage de son livre figurait dans la justification établie par l'administration fiscale allemande:

«Un DJ-set ne serait pas un concert, argumentait le centre des impôts dans sa lettre, car il n'y a pas de scène. Parce que la musique n'a ni début ni fin, ce qui est aussi ce qui caractérise un concert, parce que le public n'applaudit pas et que par ailleurs on ne pourrait pas acheter de billet d'entrée à l'avance. Ceux qui veulent entrer doivent passer devant le videur tant craint.»

Ce à quoi le journaliste rétorque, dans son article:

«Pourtant, il y a beaucoup de cris d'allégresse au Berghain, et le fait qu'un DJ se trouve au-dessus ou au même niveau que le public ne fait pas de grande différence quand il est sur scène, tout comme la question de savoir pourquoi on est entré. […] La plupart des gens qui vont au Berghain viennent pour la musique. Et la créativité d'un DJ en train de mixer de la musique correspond à celle d'un chef d'orchestre. À la seule différence qu'il utilise des machines qui font boum-boum et pas de partition.»

Invité comme témoin lors de l'audience qui s'est tenue le 6 septembre 2016, Tobias Rapp raconte de l'intérieur les curieux échanges qui ont été menés entre le tribunal et les témoins appelés à la barre ce jour-là:

«[Les juges] se sont fait expliquer en détails comment se déroule une nuit au Berghain, du côté du public (“Comment se comportent les gens lorsqu'ils écoutent la musique?”), des DJ (“Qu'est-ce que fait exactement un DJ?”) et en tant que curieux (“Racontez s'il vous plaît quelque chose au sujet de ce qu'on appelle les darkrooms”). »

À l'issue de cette audience qui a pris une tournure quasi-philosophique lorsque la représentante de l'administration fiscale a demandé quelle était la fonction de la musique dans le club, la Cour berlinoise a donc décidé que le temple de la techno n'était pas un lieu de divertissement mais bien un lieu de culture. Aller danser au Berghain revient donc désormais à s'asseoir sur un fauteuil un peu raide pour écouter une symphonie de Beethoven. Pour Rapp, c'est une consécration:

«C'est désormais officiel: la techno, c'est de la culture.»

Tout en nuançant son propos, comme il se doit dès lors que la culture underground se retrouve sous les feux des projecteurs:

«Les pessimistes diront: ce genre de reconnaissance a toujours marqué la fin d'une sous-culture.»

Le site de la chaîne de télévision locale rbb reprend la nouvelle et s'en amuse, prévenant ses lecteurs qu'à ce titre, l'article paraît dans sa rubrique culture

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