Petit à petit, les élus d'opposition – quoi qu'ils en disent – dessinent bel et bien les contours d'un Guantánamo à la française, d'une rétention administrative des djihadistes en dehors de toute procédure judiciaire classique. Dans une proposition de loi déposée fin juillet à l'Assemblée nationale, les députés LR proposent ainsi de permettre au ministre de l'Intérieur, « en cas de menace grave à la sécurité nationale, selon le niveau de menace constitué par le comportement d'un individu (…) de le placer en rétention ». Une solution qui permettrait de mettre hors d'état de nuire toute personne qui présenterait des velléités de djihad, ou qui apparaîtrait aux yeux des services de renseignements comme particulièrement dangereuse.
Face aux critiques du ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, qui y voit une volonté de « guantanamoïsation de la société », les députés Républicains affirment que la pratique sera strictement encadrée par le droit. Le dispositif prévoit que l'autorisation d'un juge des libertés et de la détention (JLD) sera nécessaire pour maintenir en rétention un individu au-delà de 15 jours. Au bout de trois mois, le ministre pourra renouveler la rétention administrative ou décider, par exemple, d'un placement sous surveillance électronique ou d'une libération simple. En théorie, une personne pourrait donc être retenue indéfiniment dans un centre sans avoir commis la moindre infraction et sur la base de sa seule dangerosité.
Face aux remarques du gouvernement, qui crie à « l'arbitraire », de nombreux politiques de droite ont réagi. « L'État de droit ne doit pas être un état de faiblesse », a dénoncé le député LR Guillaume Larrivé, dans une tribune publiée sur le Figaro Vox. « Ce n'est pas un monument de cire », selon le sénateur Roger Karoutchi. Tous, y compris l'ex-président de la République Nicolas Sarkozy, appellent à une évolution législative. Derrière cette proposition de loi, qui a peu, sinon aucune chance d'aboutir sous la gauche, se cache une véritable interrogation : que faire des personnes qui, dans quelques mois ou années, sortiront de prison après avoir purgé une peine pour leur adhésion à l'organisation État islamique ?
Là encore, les députés de l'opposition ont une réponse : la rétention de sûreté. Une peine après la peine introduite dans notre droit par Nicolas Sarkozy en 2008, et qui vise à placer en centre médico-judiciaire certains criminels dont le risque de récidive est jugé extrêmement important. Très critiquée, la rétention de sûreté n'a été utilisée qu'à de très rares reprises depuis sa création. François Hollande avait promis sa suppression avant qu'il y renonce, alors que la majorité, au moment du vote de la réforme pénale de Christiane Taubira en 2014, lui était acquise. Une partie de la gauche n'est donc pas complètement réfractaire à la rétention de sûreté, sorte de principe de précaution qui permet d'enfermer un individu pour un crime qu'il n'a pas encore commis.
Autres mesures : les députés LR réclament l'isolement complet des détenus prosélytes et veulent faciliter les fouilles des personnes radicalisées, sans qu'il soit besoin pour les surveillants de motiver leurs initiatives. Les élus d'opposition souhaitent également instaurer un nouveau régime de légitime défense des forces de l'ordre, qui permettrait aux policiers de tirer sur un individu armé et menaçant après seulement deux sommations. Une situation qui s'appliquerait aussi bien face à des braqueurs que contre des terroristes. Enfin, le texte prévoit l'expulsion automatique des étrangers condamnés pour tout délit passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. La durée d'interdiction du territoire différerait en fonction de la gravité de l'infraction pour laquelle l'étranger a été condamné.
À peine la proposition déposée à l'Assemblée nationale, le ministre de la Justice a affirmé dans Le Monde qu'il n'était pas question de « réduire notre droit à un système d'exception ». Le gouvernement a été « au plus loin des possibilités permises par la Constitution », a-t-il ajouté. Un gouvernement qui, profitant du vote sur la prorogation de l'état d'urgence, s'est assuré que les condamnés pour des actes de terrorisme ne sortent pas trop tôt de prison : toute réduction de peine, libération conditionnelle ou semi-liberté leur sont désormais interdites. Des propositions qui avaient en partie été formulées par la droite.