"Journal du dimanche", dans une interview publiée ce week-end, la policière municipale Sandra Bertin, responsable du service de vidéo surveillance de la ville de Nice, a affirmé avoir subi des pressions de la place Beauvau pour modifier son rapport sur la nuit du 14 juillet. Déclenchant ainsi une retentissante polémique, désormais plus politique que sécuritaire, quelques jours après la mort de 84 personnes écrasées par un camion sur la Promenade des Anglais.
Sandra Bertin donc, affirme - d'abord au "JDD" puis lors d'une conférence de presse dimanche soir - avoir reçu des pressions du ministère de l’Intérieur via un commissaire puis une personne jointe par téléphone au lendemain de l’attentat, pour qu’elle modifie son rapport sur le dispositif de sécurité mis en place pour le feux d'artifice.
Les documents que "l'Obs" a pu consulter montrent que les personnes évoquées par Sandra Bertin n'appartiennent pas au cabinet de Bernard Cazeneuve. Et que la policière municipale de Nice a difficilement pu l'ignorer...
A 17h35, le 15 juillet, Sandra Bertin envoie son rapport concernant la nuit du drame, comme il lui a été demandé. Ce document, que "l'Obs" a pu consulter, montre qu'il a été envoyé à l'interlocutrice dénoncée par Sandra Bertin pour avoir exercé des pressions sur elle. Mais cette dernière n'est en aucun cas une membre du cabinet du ministre de l’Intérieur.
Il s'agit d'une commissaire de police qui travaille pour le Centre d'information de la police nationale (CIPN), chargée de faire des comptes rendus sur les interventions de la police nationale. Chaque année, 275.000 notes sont ainsi rédigées par ses services, réunis au sein du Centre national d'information et de coordination opérationnelle (Cnico).
Le 15 juillet, ce service a donc fait appel à Sandra Bertin en tant que chef du Centre de supervision urbain (CSU) de Nice pour connaître le déroulé de la soirée et rédiger une note. Une source policière jointe par "l'Obs" explique :
Dans son témoignage, la policière municipale de Nice dénonce également la présence d'un commissaire à ses côtés lors de la rédaction du rapport. Elle explique que celui-ci était envoyé par le ministère de l'Intérieur... Sauf que ce dernier a été envoyé par le Directeur de la sécurité publique de Nice pour l'assister dans la rédaction de ce fameux rapport. L'homme, dont le nom est mentionné au début du rapport, est en poste dans les Alpes-Maritimes et non à Paris. Sandra Bertin pouvait-elle l'ignorer ?
L'avocat de cette dernière, Adrien Verrier, explique que les interlocuteurs de Sandra Bertin se sont en tous cas présentés à elle comme travaillant pour le ministère de l'Intérieur... Joint par l'Obs, il confirme que sa cliente a bien été victime de pression de la part de ces deux personnes, ainsi que par un commandant qui est arrivé en renfort un peu plus tard.
Le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone a confirmé dimanche que la police nationale – et non le ministère de l’Intérieur – a envoyé un commissaire, puis un commandant "pour obtenir grâce à la vidéosurveillance la chronologie des événements du 14 juillet au soir". Il a aussi confirmé que la demande d’un format modifiable visait à "permettre une technique de copier-coller pour faciliter la rédaction de la note".
Nice : le patron de la police au secours de Bernard Cazeneuve
Ce rapport n'a en effet rien à voir avec la procédure judiciaire ouverte après les attentats. Il n'a qu'une seule utilité : la communication interne. A partir de ce document, le CIPN rédige une note (d'ailleurs très succinte, comme "l'Obs" a pu le constater) à destination du ministère et du directeur général de la police.
Dans cette note, une seule phrase du rapport est reprise et concerne l'endroit où le camion a pu franchir les barrages de police :
Sandra Bertin affirme que le commissaire présent a tenté de faire pression sur elle pour qu'elle décrive la présence de la police nationale sur les lieux du drame. Elle explique, toujours au "JDD" :
Dans le rapport, pourtant, nulle mention du dispositif policier n'apparaît. "Son rapport est en effet intègre, elle a refusé de plier devant les pressions", fait valoir son avocat, qui admet donc que les informations envoyées au ministère n'ont pas été faussées. Et que le document "word" envoyée par sa cliente n'a pas été manipulée. "Mais parce qu'elle s'était assurée de l'envoyer à plusieurs personnes", ajoute t-il.
Le rapport ne propose qu'une description minutée du carnage sur la Promenade des Anglais. Une seule fois, la présence de la police nationale est mentionnée :