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L’«israélisation» de la France n’existe pas

Publié par MaRichesse.Com sur 27 Juillet 2016, 03:26am

Catégories : #POLITIQUE, #MONDE

L’«israélisation» de la France n’existe pas

Cette théorie d’«israélisation» de la France, fausse, favorise l’extrême droite différentialiste et l’identitarisme, qui veut pousser la société française vers une mentalité d’apartheid.

Quelques minutes ou quelques heures après la prise d'otage terroriste de Saint-Étienne-de-Rouvray en Normandie, qui a fait un mort, les comparaisons avec Israël, sa préparation face à la violence des attentats, étaient mentionnées. Le président de la région lançait par exemple: «il faut que l’on prenne des mesures comme la société israélienne a su en prendre pour assurer sa sécurité». 

La soi-disant «israélisation de la France» face au terrorisme est si couramment invoquée depuis quelques mois, et plus encore depuis l’attentat de Nice, qu’elle est en train de devenir très rapidement un lieu commun du journalisme et du débat d’idées.

Son postulat est résumable d’une phrase: au fil des attaques terroristes, la société française, son climat général, son appareil policier et militaire, seraient en train de s’approcher de ce qui existe déjà en Israël.

Cette théorie est cependant profondément fausse. Elle est par ailleurs politiquement dangereuse, car elle draine dans son sillage une vision communautariste et d’extrême droite de la société française, de notre Etat, et de ce qu’ils doivent devenir.

 

Les similitudes objectives sont en réalité très peu nombreuses. Israël fait face à une menace terroriste permanente, qui frappe régulièrement sur son territoire ; la France aussi. Par ailleurs, dans les deux cas, le terrorisme applique une stratégie militaire dite «du faible au fort». Dans le cadre d’une guerre asymétrique, cela consiste, pour un belligérant, à compenser l’énorme écart de moyens matériels et humains en perpétrant des meurtres spectaculaires, qui sont destinés à saper le moral de l’adversaire et à imposer un message idéologique dans son débat public.

 

Les points communs s’arrêtent là. 
 
Allemagne, Pakistan, Irak?

Or, ce sont des points communs que partagent aussi, entre autres et depuis plusieurs années, les Etats-Unis d’Amérique, l’Allemagne, le Pakistan, ou encore l’Irak. Sur cette base, il n’y a donc pas plus de raison de postuler une «israélisation de la France» qu’il n’y en a de s’imaginer son américanisation, sa germanisation, sa pakistanisation, ou encore son irakisation.

Quant aux divergences, qui empêchent de soutenir raisonnablement la thèse d’une «israélisation de la France», elles sont importantes et nombreuses.

Du fait de nombreuses guerres depuis la naissance de son Etat, Israël est une société fortement militarisée, où le service militaire est obligatoire et dure 2 à 3 ans, cependant que plusieurs leaders politiques récents du pays ont été préalablement des leaders militaires: qu’il s’agisse du général Yitzhak Rabin, du lieutenant-général Ehoud Barak, ou encore du général Ariel Sharon. En France, la vie politique est totalement démilitarisée depuis plus d’un demi-siècle, le dernier leader politique provenant de l’armée était le général De Gaulle dans les années 1960, et le service militaire a été suspendu il y a plus de vingt ans. Cela n’a rien à voir. 

 

Un passé de guerres

Israël a fréquemment enduré des guerres contre ses pays voisins durant les sept dernières décennies. Il subit encore de nos jours un environnement géopolitique immédiat fortement hostile, voire explicitement ennemi. La France n’a été en guerre avec aucun de ses pays voisins depuis plus de soixante-dix ans. Elle est au contraire engagée avec eux dans un processus très poussé de coopérations politiques et économiques: l’Union européenne. Cela n’a rien à voir.

Le terrorisme qui frappe Israël a pour motivation essentielle le droit de la Palestine à un Etat national. Celui qui frappe la France, lui, a pour motivation essentielle l’expansion d’un califat islamiste-intégriste à vocation planétaire. Le premier cas est une revendication nationaliste – au sens strict du terme – tandis que le second est une revendication internationaliste. Cela n’a rien à voir.

Le terrorisme auquel Israël fait face est une constante de son existence quotidienne, remontant à la création de son Etat en 1947, avec encore et toujours pour motivation essentielle le droit de la Palestine à un Etat. La France, elle, a subi sur la même période diverses vagues d’attentats, à intervalles irréguliers et sporadiques, dont les motifs ont beaucoup varié d’une vague à l’autre. Celle qui provient de Daesh n’a commencé que dans les années 2010, aux fins de propager un califat islamiste-intégriste. Cela n’a rien à voir.

 

En Israël, l’Etat et la société sont fondés sur une vision ethno-religieuse et différentialiste de ses habitants. L’un comme l’autre, de même que d’ailleurs la Déclaration d’indépendance israélienne, distinguent explicitement les Israéliens de confession juive des Arabes israéliens. En France, l’Etat et la société sont fondés sur une vision laïque et universaliste de ses habitants, issue du républicanisme français. Cela n’a rien à voir.

La guerre entre Israël et la Palestine est un conflit tantôt latent, tantôt ouvert, ayant pour objet fondamental un contentieux territorial, et qu’a déclenché le plan de partage de la Palestine adopté en 1947 par les Nations Unies, créant l’Etat d’Israël. La guerre entre la France et Daesh est en réalité un conflit armé entre l’Etat islamique et une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis d’Amérique, ayant pour objet la tentative d’établissement d’un califat islamiste-intégriste, dans le chaos irakien postérieur à l’invasion états-unienne des années 2000. Cela n’a rien à voir.

En d’autres termes, une fois examinée de près, il n’existe aucun motif fondé en raison pour théoriser une soi-disant «israélisation de la France». Le seul élément consistant serait, à la rigueur, l’idée que comme Israël, face au terrorisme, la France va s’habituer au fait que des attentats frappent régulièrement; qu’elle va davantage former sa population aux gestes élémentaires de secourisme en cas d’attentat; et qu’elle va encore davantage déplacer le curseur entre libertés fondamentales et pouvoirs militaro-policiers dans le sens des pouvoirs militaro-policiers. Cependant, bis repetita: puisqu’en réalité cette dynamique est observable dans des pays aussi divers que les Etats-Unis d’Amérique, l’Irak, l’Allemagne ou encore le Pakistan, il n’y a pas plus de raison d’en déduire une «israélisation de la France» qu’il n’y en d’en déduire son américanisation, son irakisation, sa germanisation ou sa pakistanisation. 

 

Il ne faut pas s'inspirer d'Israël

Le concept d’"israélisation de la France" est instrumentalisé par l’extrême droite communautariste, et par les divers courants d’idées identitaristes

Outre son caractère erroné, si cette théorie pose problème, c’est surtout parce qu’elle est politiquement dangereuse. Le concept d’«israélisation de la France» est en effet instrumentalisé à l’envi par l’extrême droite communautariste, et par les divers courants d’idées identitaristes, pour transformer des points communs («la France endure comme Israël une menace terroriste quotidienne») en une relation d’identité («La situation de la France devient la situation d’Israël»).

Il faut être bien conscient de la gravité extrémiste de ce qu’ils entendent par là.

Ils déclarent nécessaire que la France s’inspire de la gestion israélienne de la menace terroriste, alors qu’elle consiste notamment à encercler de barbelés l’écrasante majorité de la population arabe dans l’ensemble territorial israélo-palestinien. Visualiser ce que signifierait la transposition de cette approche sur le territoire français a quelque chose de glaçant.

Ils assimilent les tensions entre la société française et sa minorité arabe au conflit territorial israélo-palestinien, c’est-à-dire à une guerre. Et ils assimilent les banlieues françaises dont la population est majoritairement arabe à la bande de Gaza, ce qui équivaut à prétendre que ces banlieues ne seraient plus la France. Cela trahit un état d’esprit général refusant de considérer que les Français arabes puissent vraiment être des Français.

Ils assimilent la société française, du point de vue de son avenir, à la société israélienne d’aujourd’hui, alors que le fonctionnement de cette dernière est objectivement communautariste. C’est en soi un révélateur extraordinaire de la contradiction profonde entre leur vision idéologique des choses, qui est différentialiste, et celle du républicanisme français traditionnel, qui est universaliste.

Chacun doit donc bien mesurer ce que draine, politiquement, l’irruption de la théorie de«l’israélisation de la France». En plus d’être profondément erronée, elle est pain bénit pour les multiples analogies mensongères que l’extrême droite différentialiste et l’identitarisme multiplient dans le but de pousser la société française vers une mentalité d’apartheid.

Nous vivons certes en un temps de slogans-chocs, de punchlines: «israélisation de la France» en est une belle, qui «claque» et marque les esprits. Son potentiel d’extrême buzz ne doit cependant pas faire oublier son potentiel d’extrême droite. Ni sa fausseté. 

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