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Le FPÖ, la start-up politique qui surfe sur la crise identitaire de l'Autriche

Publié le 30 Avril 2016, 09:39am

Catégories : #POLITIQUE

Le FPÖ, la start-up politique qui surfe sur la crise identitaire de l'Autriche

Norbert Hofer, le candidat du FPÖ a obtenu un score historique au premier tour de l’élection présidentielle. Les débats sur la crise des migrants, l’islam et le chômage ont joué bien sûr, mais les racines de ce succès sont plus profondes.

Va-t-on assister au sacre d’une stratégie initiée il y a trente ans? Dimanche dernier, Norbert Hofer, le candidat du FPÖ, a obtenu un score historique à l’élection présidentielle autrichienne. Au premier tour, il a engrangé 35,1% des voix, soit quatorze point de plus que son adversaire, le candidat Verts Alexander Van der Bellen. La coalition ÖVP-SPÖ au pouvoir, elle, est laminée. Une défaite aux accents d’irrémédiable déclin pour les deux formations historiques de la Seconde République autrichienne.

Si la crise des migrants, l’islam et le chômage ont joué un rôle déterminant dans la dernière période, la puissance du FPÖ vient de loin… Le cœur du phénomène ne peut être dissocié de la question de la construction éminemment politique qu’est l’Autriche. Félix Kreissler pointa la difficulté de la prise de conscience de la nation autrichienne après 1918 et son progressif développement après le traité d’État de 1955, acte de naissance de l’Autriche moderne.

Le pays entré dans la globalisation et progressivement intégré à l’Europe institutionnelle, le caractère davantage politique qu'ethnique ou culturel de cette fondation, marqué notamment à l'époque par la neutralité entre les deux blocs, fut remis en question. Donnant naissance à une nouvelle forme de nationalisme autrichien. L’épicentre de la secousse électorale de dimanche dernier se situerait bien au niveau de cette crise identitaire. L’onde de choc se serait, quant à elle, diffusée en tirant parti de différents aspects, dont la question des réfugiés et de l’islam dans la dernière période.

Le FPÖ, une histoire plus vieille que l’Autriche?

Depuis trois décennies, la formation de Heinz-Christian Strache, alliée du FN de Marine Le Pen, est devenue une machine professionnalisée, dévouée à son chef, se constituant ces derniers temps en véritable «start-up» politique. En 1986, le FPÖ, après trois années d’une expérience gouvernementale dans une coalition menée par les socialistes du SPÖ entrait en crise. De là date sa mue et son ascension presque continue vers les sommets. Menée par la fédération de Carinthie et Jorg Haider, alliés aux «nationaux-allemands» du parti, la discorde interne allait durer d’avril à septembre 1986 et se solder au Congrès d’Innsbruck par l’élection de Haider à la tête du parti.

Ces dernières années, le FPÖ a consacré une part toujours plus grande de son budget à la communication, aux campagnes et à la propagande

Cette petite révolution au sein de ce qui constituait alors la famille libérale avait des motivations personnelles. Haider réglait ainsi un compte ancien avec l’équipe de direction du FPÖ, faisait une victime –Norbert Steger, Vice-chancelier. Surtout, il ouvrait une nouvelle ère dans l’histoire de ce petit parti et de l’Autriche. La formation changea de direction politique, d’orientation stratégique et, abandonnant sa façade libérale, se mua progressivement pour développer un populisme effréné, atteignant les 10% dès 1986, puis ne cessant de progresser.

Cet essor est l’affaire de deux binomes. Haider et Andreas Mölzer, figure du courant national-allemand, d’abord. Le duo Strache-Kickl ensuite. Aujourd'hui, l’ascension de Heinz-Christian Strache vers la Chancellerie est appuyée par le stratège biberonné à l’école Haider, mais resté au FPÖ après la scission de son mentor. Kickl sait, mieux que quiconque, lancer des campagnes incessantes, des polémiques déflagratoires et inventer les slogans chocs qui font le succès de son parti. Ces dernières années, le FPÖ a consacré une part toujours plus grande de son budget à la communication, aux campagnes et à la propagande et une part moindre à l’entretien de l’appareil du parti. Au pays de la Crypte des Capuçins, Kickl est bien devenu l’éminence grise la plus influente du pays.

Cette campagne électorale a été une véritable rétrospective des éléments constitutifs du discours du FPÖ. Tout y figurait, sans provocation mais sans omission. Parmi les thèmes développés, évidemment, on retrouve l’immigration (constante du discours haidérien) et l’hostilité à l’islam, porté par Strache. Mais le discrédit sur les grands partis est aussi le produit d’un long et lent travail. La dénonciation sur trente ans du Proporz, système institutionnalisé de répartition des postes, avait contribué à contester le pouvoir des deux grands partis et excité la rancœur de ceux qui s’en estimaient les perdants.

Une campagne «show-room» de l’idéologie du FPÖ: islam, immigration, Sud-Tyrol…

Immigration, et populisme anti-élites, ne doivent pas éclipser d’autres thématiques, habilement réactivées dans les dernières semaines. On a vu le FPÖ ranimer discrètement mais sûrement la question de la région italienne du Sud Tyrol, bénéficiant par exemple de l’apparition de Hans Kammerlander, légende de l’Alpinisme et de l’Himalayisme. Si Strache se saisit abondamment des questions irrédentistes, c’est parce qu’il sait qu’indépendamment de ses positions sur le droit d’asile et des réfugiés, elles sont, politiquement, des «veilleuses au fond du couloir» de la vie politique autrichienne.

Ses adversaires eurent beau soulever que le président fédéral devait apporter des solutions mais pas «créer des problèmes», rien n’y fit. Cette campagne, supposée être bien plus consensuelle, confirme la perturbation politique et électorale enregistrée en Europe. Le FPÖ présente des similitudes avec d’autres partis. Il n’est pas sans rappeler la Lega Nord d’Umberto Bossi, l’UDC de Christoph Blocher, ni évidemment, le Front national. La percée de l’AfD en Allemagne présente également quelques similitudes.

Paradoxalement, ce parti initialement pangermaniste fut le bénéficiaire d’une affirmation du «patriotisme autrichien», un des fers de lance du discours haiderien

Le FPÖ prend parfois des allures de pompier pyromane au point de capter les symboles des deux grands partis à son profit, détournant par exemple dans ses clips des figures emblématiques de l’histoire autrichienne. Paradoxalement, ce parti initialement pangermaniste, dont le leader qualifiait encore assez spontanément dans les années 1990 son propre pays de «fausse couche historique», fut le bénéficiaire d’une affirmation du«patriotisme autrichien», un des fers de lance du discours haiderien.

Activant des ressorts populistes au sens le plus plébéien, s’en prenant au SPÖ, coupable de favoriser des «muezzins et des minarets», luttant «contre les Mustafas» l’identification de Strache à Robin des Bois a permis une démagogie sociale assez payante et des formes d’expression variées. Le leader du FPÖ est à la fois un chef respirant la santé, un chanteur de rap ou un tribun maniant un verbe propice à la polémique. Strache, au contraire de Haider, a une propension moindre à l’intellectualité, mais il a incontestablement un charisme de chef populiste.  

Une élection présidentielle à l’issue incertaine

Norbert Hofer, compte tenu de ce qu’il est et de la nature de l’élection, a donné une version moins tapageuse de cette ligne politique tout en la suivant sérieusement. Il a fait de la présidence de la République, au-delà de ses prérogatives constitutionnelles, un potentiel pouvoir «protecteur» des Autrichiens. Le candidat n’a pas cherché à embrasser personnellement des sujets polémiques sur la «liberté d’expression» (entendez le droit pour les nostalgiques du nazisme de s’organiser librement) et ne s’est pas laissé aller à des dérapages.

S’il n’a pas les pouvoir du président de la République française, le président de la République fédérale d’Autriche peut néanmoins influer sur le cours des événements. Il a parmi d’autres prérogatives, selon la constitution du pays, le pouvoir de nommer et destituer le gouvernement, de dissoudre le Parlement ou les parlements des Länder.

Au FPÖ, on se souvient que la seule attitude réprobatrice de Thomas Klestil, président de la République au moment de l’alliance conclue en 2000 entre les conservateurs de l’ÖVP (les noirs) de Wolfgang Schüssel et les «bleus» de Jorg Haider, avait rendu beaucoup plus difficile leur acceptation par les autres partenaires de l’Union européenne. Remporter le deuxième tour au soir du 22 mai constituerait pour le parti une éclatante revanche.

Gaël Brustier                                                                                                                                               source

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